LE DÉBUT :
C’en était trop ! C’était décidé et irrévocable. Il ne briguerait pas un second mandat. C’était une question d’honneur ! Un assassinat, dans sa commune, dans son village, était, à proprement parler, intolérable ! Être maire d’une communauté de forbans lui apparaissait soudain incongru. Il pensait à ce moment à sa grand-mère, Marie Hortense, petite main d’une maison de couture, ombrelliste de son état et qui avait côtoyé, toujours de loin, les plus grands du vingtième siècle naissant. Elle aurait été fière de voir son petit-fils devenir premier magistrat, même d’une commune de quatre mille âmes, mais à condition de ne pas abriter en son sein des assassins. Zénobe Longuemèche, maire de Saint-Landelin, ne put retenir la larme qui perlait au bord de sa paupière. Il en était là de ses pensées, quand il fut ramené à la triste réalité par un avertisseur de voiture tonitruant. Il comprit qu’il stationnait, seul, au milieu de la chaussée. Une fraction de seconde, l’idée de ne pas bouger et d’en finir avec ce déshonneur communal traversa son esprit. L’instinct de survie l’emporta. La vision de son nom, un peu ridicule, écrit en lettre d’or, au panthéon des victimes du devoir, le poussa à opter pour la solution d’un repli stratégique vers le trottoir. À cet instant, entendant « Et alors, Monsieur le Maire, on est pressé d’en finir ! Il n’y a pas déjà assez de morts dans votre commune ! » il en reconnut l’auteur de suite. La voix qui venait de résonner était un peu rocailleuse et sentait bon la ménopause. Elle semblait, à chaque mot prononcé, à chaque silence même, rappeler le nombre de paquets de cigarettes sacrifiés sur l’autel de la cancérologie. Elle aurait tout aussi bien pu chanter le blues, le blues des gauloises bleues, véritable hymne aux cigarettiers, elle aurait fait un tabac ! I